Jacques Vapillon ®
Avec le sourire et la concentration des grands jours, les trente marins du Tour de l'Europe ont laissé Barcelone dans leur sillage. Après une escale reconstructrice dans la cité catalane, la flotte de l'Istanbul Europa Race a repris sa route et mis le cap sur la plus longue étape de la course. Dans un vent avoisinant les 15 nœuds et sous un ciel orageux, les six monocoques Imoca ont offert une dernière fois le spectacle à l'Espagne. Piqué au vif après deux étapes à jouer les lanternes rouges, DCNS se voyait crédité du meilleur départ et pointait en tête. Aux abords de la première marque du parcours inaugural, les hommes de Marc Thiercelin commettaient une petite erreur qui leur coûtaient la première place. Un détail face aux milles qui se présentent en ce moment devant leur étrave. Pour l'heure donc Kito de Pavant et Groupe Bel mènent les débats de moins d'un mille et devancent Veolia Environnement, 1876 et Paprec Virbac 2. DCNS cinquième, précède Foncia, Michel Desjoyeaux ayant opté pour une négociation du départ à terre. Les équipages ont donc entamé leur descente de la Méditerranée vers le détroit de Gibraltar et les retrouvailles avec l'Atlantique. D'ici là, les conditions météo devraient jouer la complexité, entre zones désertées par le vent et rafales sous les nuages. Gageons que chacun cherchera le décalage opportun pour faire la différence et qu'à bord des bateaux des trois prétendants à la victoire finale, les stratèges auront à faire.
Quel parcours jusqu'à Brest ?
Trois parcours différents s'offrent aujourd'hui à Jean Maurel, directeur de course et à la flotte de l'Istanbul Europa Race 2009. Un dénominateur commun à chacune de ces options fera contourner la péninsule ibérique et remonter vers la Bretagne. C'est au large de Camaret et après une porte obligatoire que les variantes se dessineront. Ainsi, si la météo vient brider le jeu, les équipages fileront-ils directement vers Brest, en terminant avec un parcours de 1 453 milles. Si le vent est de la partie et qu'une situation à plus long terme se dégage, deux alternatives se présenteront ; un passage via Wolf Rock pour 1 668 milles ou un long parcours de 1 982 milles allant saluer le mythique phare du Fastnet. A terre, comme en mer, les routages vont donc tourner à plein régime pour envisager toutes les possibilités et se parer à chaque éventualité. De quoi ménager le suspense jusqu'au bout quant au nom du lauréat de la course.
Les figaristes en jokers
La Classe Figaro Bénéteau a depuis toujours été considérée comme le meilleur des tremplins vers les monocoques 60 pieds. Comme pour mieux confirmer l'adage, quatre des meilleurs figaristes du moment ont embarqué sur l'Istanbul Europa Race. Ainsi, depuis le départ de Turquie, Gildas Morvan est-il l'une des pièces maîtresses de l'équipage de Roland Jourdain. A bord de Veolia Environnement, le champion de France de Course au Large en Solitaire en titre a très vite pris ses marques. Autre Gildas, autre talent, le brestois Gildas Mahé a posé son sac à bord de Foncia à l'invitation de Michel Desjoyeaux. Barreur émérite et équipier réputé pour son enthousiasme, il aura à cœur de briller dans les eaux qui l'ont vu débuter et d'apporter son talent à une conclusion heureuse. A bord de Groupe Bel, le jeune François Gabart est arrivé à Barcelone pour essayer de transformer l'essai au départ de la dernière étape mais également pour parfaire son fonctionnement avec Kito de Pavant dans la perspective de la Transat Jacques Vabre qu'ils disputeront ensemble. Enfin, le tout récent vainqueur du Tour de Bretagne à la Voile, Eric Drouglazet, est venu prêter main forte à son ami de toujours, Marc Thiercelin. Ensemble, les deux complices ont la ferme intention de démontrer que si DCNS peine dans le petit temps, il a de quoi menacer la hiérarchie dans des conditions plus favorables. Déjà séduits par la Cap Istanbul, épreuve officielle de leur calendrier sportif, les amoureux de la monotypie retrouvaient ce matin avec un plaisir non feint l'équipe organisatrice d'Olay Nautic. Leur présence annonce de la navigation au contact et des nuits sans sommeil sur l'eau et du grand spectacle pour les observateurs.
Ils ont dit :
Jérémie Beyou – Foncia :
« Sportivement, c'est vraiment super d'en être là. On a fait deux places de second et ça n'a pas été si facile que ça, car la Méditerranée est piégeuse ! On a très vite fait de se prendre 50 milles dans la vue. Nous avons fait quelques bons coups, mais nous en avons également fait des mauvais que nous aurions pu payer cher... C'est bien aussi pour tout le monde d'avoir un tel suspense jusqu'à Brest. Trois bateaux à égalité avant la dernière étape, pour l'intérêt de la course, c'est le scénario quasi parfait. Nous avons deux beaux équipages face à nous (Groupe Bel et 1876). A nous d'aiguiser nos armes pour essayer de ne pas être le dernier des trois à Brest. »
Gildas Mahé – Foncia :
« J'ai beaucoup navigué ces deux derniers mois en disputant la Solitaire du Figaro et le Tour de Bretagne à la barre de Banque Populaire. J'ai affronté le Golfe de Gascogne à plusieurs reprises ces derniers temps et je suis prêt pour une nouvelle confrontation. En changeant de mer, on change aussi de conditions et de potentiel des bateaux. On arrive dans notre jardin et j'espère bien que ça jouera en notre faveur. Je vais essentiellement barrer à bord de Foncia et Michel et Jérémie vont s'occuper de la navigation. Le but sera d'aller vite tout le temps et d'atteindre Gibraltar le plus vite possible. Ce passage sera peut-être l'une des clés du succès mais sur une étape comme celle-ci, il y aura toujours des choses à faire, jusqu'au bout. Cette finale va être passionnante ! La question est de savoir qui va marquer le but en or. »
François Gabart – Groupe Bel :
« Ça fait longtemps que je n'ai pas navigué sur Groupe Bel. J'arrive tout juste du Tour de Bretagne, la transition avec cette course est rapide et plutôt très jolie. Je suis là avant tout pour préparer la Transat Jacques Vabre que je vais disputer avec Kito. Je vais apporter un peu de sang neuf à l'équipage et je suis ravi de les retrouver. Aujourd'hui nous partons pour la finale et nous sommes trois bateaux en tête. Trois ex-aequo au départ de Barcelone, une chose est sûre, il n'y en aura pas à l'arrivée. La bagarre devrait être très belle. »
Eric Drouglazet – DCNS :
« Marc Thiercelin est mon pote de trente ans. On se téléphone tout le temps, et forcément, dès qu'il est sur l'eau, je le suis. Donc je me suis tenu informé du déroulement, jusqu'à présent, de l'Istanbul Europa Race, que j'ai suivie à travers la presse, mais pas trop sur internet car j'étais bien occupé ces derniers jours. J'ai pu me rendre compte que, dans cette course, il ne fallait pas prendre de retard car quelques milles se transforment très vite en goufre. Il s'agira donc, pour cette dernière étape, de rester bien placés jusqu'à Gibraltar avant de récupérer des vents plus forts, mais il y aura aussi les alizés portugais à bien négocier. Je suis vraiment heureux de participer à cette dernière étape car je connais très bien l'organisateur, Cumali Varer, qui m'a permis d'aller souvent régater jusqu'à Istanbul. Je n'ai pas tellement l'habitude de naviguer sur des 60-pieds mais je m'attends à barrer beaucoup et à travailler la météo avec Christopher Pratt. DCNS a un coup à faire sur cette dernière étape. J'ai entendu dire que le bateau n'était pas au mieux dans le petit temps mais il devrait y avoir moyen de réaliser quelque chose de fort dans l'Atlantique. »
Jean-Pierre Dick – Paprec-Virbac 2 :
« L'idée est d'aller chercher en premier le vent d'ouest dans la mer d'Alboran, près de Gibraltar. Avant cela, nous allons vivre une succession de petites dépressions avec des vents instables. Il faudra donc bien doser notre route pour aller chercher ces flux portants tout en se méfiant des côtes espagnoles. Après Gibraltar, nous devrions être au près jusqu'au Cap Finisterre (Pointe nord ouest de l'Espagne). Ca va être sport ! »
Roland Jourdain – Veolia Environnement :
« On va avoir l'épée de Damoclès au-dessus de nos têtes entre Barcelone et Gibraltar : Qu'est-ce que ça peut nous donner comme conséquence ? Est-ce que ça peut nous donner un re-départ au passage du détroit ? Est-ce que les écarts seront trop forts pour certains bateaux pour pouvoir espérer revenir ? En tout cas, on sait déjà qu'il faudra être hyper concentré sur les deux premiers jours, c'est sûr ! Ensuite, on va retrouver des conditions Atlantiques dans lesquelles j'ai hâte de voir Veolia Environnement se comparer aux autres, dans de la brise un peu plus musclée. En tout cas, notre objectif est de donner le meilleur de nous-mêmes sachant que les autres ont très faim aussi, pour essayer d'arriver dans nos eaux les mieux placés possible ! »