Jacques Vapillon ®
Impérial sur ce dernier parcours, qui a invité la flotte à fouler les eaux espagnoles et portugaises, à saluer les côtes anglaises avant de raser les cailloux pour rallier la pointe de Bretagne et la cité du Ponant, le double vainqueur du Vendée Globe est en passe de monter sur la première marche du podium de ce grand tour de l'Europe.
Coup double et grande victoire annoncée
Deux fois deuxième et ex-æquo avec les équipages de 1876 (Guillermo Altadill) et de Groupe Bel (Kito de Pavant), Michel Desjoyeaux et ses hommes, auteurs d'une navigation aussi limpide qu'exemplaire n'ont manqué ni de conviction, ni d'inspiration tout au long des 1660 milles de ce dernier parcours. Ils ont échappé aux foudres des orages dans la nuit méditerranéenne, traversé Gibraltar, déjoué les petits vents contraires en Atlantique, et se sont enfin faufilés entre les mailles d'une énième dorsale anticyclonique au gré des courants survoltés de la Manche. Ils sont surtout parvenus à contenir leurs coriaces poursuivants, notamment les hommes de Roland Jourdain à bord de Veolia Environnement. L'épilogue de la dernière et ultime étape de l'Istanbul Europa Race a tous les ingrédients de la chronique d'une grande victoire annoncée.
La résistance de Veolia Environnement
Roland Jourdain et les siens ont en effet fait preuve d'une belle force de résistance, préservant le suspense jusqu'au bout ou presque, jusqu'à ce que le centre d'une zone sans vent ne les freine ce matin pendant plusieurs heures. Et ne leur retire tout espoir de venir chambouler la hiérarchie préétablie dans la remontée du golfe de Gascogne au rythme et au son de coups d'accordéon dans des petits airs majoritaires. Même scénario pour Kito de Pavant et son équipage, encore en lice pour la victoire finale, qui vont sans nul doute devoir s'incliner à l'issue d'un tour de l'Europe dont ils ont compté parmi les plus grands animateurs.
A mi-Manche
Au dernier classement (14h, heure française), Foncia, qui a laissé Wolf Rock au petit jour dans son tableau arrière progresse à 11,5 nœuds au portant. Même s'il semble ralentir le pas à mi-Manche, les 40 milles d'avance capitalisés le mettent, sauf pépin majeur, à l'abri d'un retour de ses poursuivants et des mauvais coups du fort courant contraire généré par le flot au passage du Four et du goulet de Brest. Au même moment, Groupe Bel, qui paye cher les sautes d'humeur d'Eole a enfin redémarré et s'apprête à faire demi tour au large des côtes anglaises pour remettre le cap sur la pointe Saint-Mathieu. Il est suivi à 20 milles par Paprec-Virbac 2 (Jean-Pierre Dick). D'après les dernières estimations, Foncia est attendu entre 20h30 et 22h30 pour signer une victoire sous spi dans la lumière déclinante le long des côtes superbes de la pointe de Bretagne. Tonnerre de Brest, à ne pas manquer !
Ils ont dit...
Michel Desjoyeaux - Foncia
« On a franchi Wolf Rock peu après le lever du jour. Il y avait encore un peu de vent à ce moment-là, avec un beau lever de soleil, dans un ciel rose comme on aime. On sait que le vent va se calmer mais on a un bon matelas derrière nous. C'est maintenant confortable avec plus de 30 milles d'avance sur Veolia Environnement, le double sur Groupe Bel. Là on a du bon vent mais l'arrivée à contre courant ne va pas nous arranger. Nous allons prendre le Chenal du Four et le Goulet de Brest à contre courant. Je ne vois pas ce que les concurrents derrière nous peuvent faire pour les contourner. Faire le Tour par l'extérieur, par l'Ouest de Ouessant ne garantit pas une zone sans vent. Il faut surtout s'abriter du courant et ça va se décider à quelques milles de Brest. Gildas Mahé est avec nous, il est Brestois mais je ne suis pas sûr qu'il faut toujours écouter les conseils des locaux... »
Roland Jourdain - Veolia Environnement
« La mer est plate, il y a de l'air. On avance à peu près correctement, à plus de dix noeuds, c'est mieux que la nuit passée. On s'éloigne de la maison, on n'a pas encore passé Wolf Rock. Le vent a molli pour tomber complètement pendant une heure et demi. C'est l'Istanbul Europa près-Race. Il y a une bonne ambiance sur le bateau et le problème est de mettre trop de délinquants ensemble, je ne contrôle plus rien et il est temps que ça finisse avant que la folie générale ne nous gagne. Redevenons sérieux, ça va être dur de gagner, Foncia n'est pas chouette avec nous. On va y croire jusqu'au bout. Il va avoir du vent mou sur le retour avec de forts coefficients de marée donc tout peut arriver à condition que Mich' veuille bien nous attendre. Si dans le chenal du Four, tu prends le courant contre toi, tu le prends aussi dans le Goulet donc tu perds du temps. C'est une question de timing. Depuis le départ d'Istanbul, j'apprécie cette course, avec une mention spéciale sur les lieux géographiques de la première étape que je ne connaissais pas. La Méditerranée a été difficile pour nous, on y a peut-être trop admiré le paysage mais ensuite avec l'Espagne et le Portugal, on a fait un bon tour de révision de l'Europe ».
Kito De Pavant - Groupe Bel
« Nous sommes restés quelques heures complètement encalminés. Là ç'a redémarré, on marche à plus de 10 noeuds. Foncia sur la carte n'était pas très loin au classement de 10h mais il est déjà sur le chemin du retour. Pas nous. On va atteindre Wolf Rock dans 4 heures. Je pensais m'être débarrassé de Paprec-Virbac 2 et puis ce matin il était de nouveau là et, depuis, joue à cache-cache. On va avoir de l'air plus clair pour revenir sur Brest mais la météo est assez fantaisiste. Je suis ravi que cette course ait eu lieu. On en avait parlé il y a quelques années avec Cumali, il fallait revenir à Istanbul avec un Imoca. Il y a eu la crise cet hiver qui a demandé beaucoup d'énergie. On n'était pas nombreux mais si on avait été 20, on se serait arraché les cheveux. La course a été superbe et j'espère que nous qui y avons participé vont convaincre les autres de venir la prochaine fois. Le parcours est fabuleux avec une navigation difficile mais ça été très complet, très divers, on ne s'est jamais ennuyé. Sur le bateau il y a du boulot. On avait prévu une semaine de navigation en double avec François Gabart en vue de la Transat Jacques Vabre. Nous allons ramener le bateau vers Caen pour tout remettre en ordre au niveau de l'électronique, des instruments et de la quille. On a du travail. »
Christopher Pratt - DCNS
« Depuis hier on a eu des vitesses assez correctes, 15 noeuds, au près et nous sommes en train de passer le Cap Finisterre. Il fait bien froid la nuit, on a sorti les bonnets et les grosses chaussettes. On va faire la traversée du Golfe de tribord. On va passer tout près de la maison avant de filer vers Wolf Rock que je connais bien. C'est bon pour le moral d'avancer sur l'eau, d'avoir repris 50 milles en 24 heures et de sentir la machine bien fonctionner. C'est un bateau génial, au-delà de la déception du côté sportif et d'être assez loin des autres concurrents. J'ai hâte de faire de grandes chevauchées sous spi ou gennaker pour exploiter le potentiel du bateau ».
Philippe Echassoux - Paprec Virbac 2
« J'ai trouvé ce parcours incroyable avec toute les facéties de la Méditerranée. On vient de reprendre du vent. Une dorsale anticyclonique nous a obligé à virer de bord et je pense que nous serons à Brest la nuit prochaine. Cette course permet, à moi qui fait partie de l'équipe technique, de voir le bateau en situation parfois extrême pendant une longue période. Je vois les contraintes qui lui sont imposées par la compétition. Quand je le préparais pour le Vendée Globe, je n'imaginais pas ça. Maintenant, grâce à cette course, je le comprends mieux. Je suis responsable du mat, des gréements et cette expérience est très riche. Cela va m'aider pendant mon séjour de cinq mois en Nouvelle-Zélande pour superviser la construction de Paprec-Virbac 3 ».