Paprec Virbac 2 ®
Mais si la nouvelle configuration du parcours a été l'évènement de ces dernières heures, les six équipages avouaient pour la plupart ce midi avoir d'autres soucis en tête pour le moment. Il faut dire qu'à y regarder les prévisions météorologiques d'un peu plus près, le Golfe de Gascogne a manifestement décidé de réserver un accueil tout particulier aux Imoca qui ne l'ont pas fréquenté depuis quelques semaines. La complexité est annoncée et tous se préparent à une guerre des nerfs. De quoi pimenter les bras de fer qui se sont engagés à tous les étages de cette incroyable course.
Evolution du parcours donc dans la troisième et dernière étape de l'Istanbul Europa Race, mais même leader. Depuis Almeria, Michel Desjoyeaux navigue en père pénard entre Méditerranée et Atlantique, se dirigeant doucement mais sûrement vers un nouveau sacre. Sur le papier et à bord de Foncia, le scénario semble clair mais que penser de la confusion qui règne actuellement sur le Golfe de Gascogne ?
En effet, alors que Jean Maurel, le directeur de course, prédisait ce matin un avenir proche placé sous le signe de la complexité, l'actuel leader confiait voir venir une petite complication météorologique. Même son de cloche du côté des poursuivants à commencer par Veolia Environnement qui lorgne sérieusement sur la plus haute marche du podium et grappille mille après mille. Tous s'accordent à dire que les prochaines heures et la zone située entre le Cap Finisterre et la porte bretonne pourraient réserver bien des surprises et à bord du monocoque de Roland Jourdain, on avoue à demis mots espérer beaucoup de la grande loterie du Golfe ! Entre les deux enfants de Port-La-Forêt, le bras de fer est engagé et la saine rivalité installée entre les deux équipages offre un match de très haut vol. Alors que le froid gagne peu à peu la flotte et que les conditions deviennent de plus en plus instables, les dix hommes à la lutte pour les lauriers à Brest n'ont décidément pas fini d'en découdre.
A toi à moi !
Deuxième course dans cette course, le mano à mano entre Groupe Bel et Paprec Virbac 2. D'un classement à l'autre, la valse des positions s'opère, la nuit donnant généralement l'avantage aux hommes de Jean-Pierre Dick, l'équipage de Kito de Pavant reprenant l'avantage en journée, à ces heures où leurs problèmes d'électronique se font moins sentir. Motivation ou pression supplémentaire; ces deux concurrents naviguent à vue, à 400 mètres l'un de l'autre, depuis plusieurs jours. Combien de temps ce pas de deux durera-t-il et le couple résistera-t-il à la remontée du Golfe de Gascogne ? Rien n'est moins sûr, tant les prévisions semblent sujettes à bien des interprétations. Si pour ces marins, les deux plus hautes marches du podium se sont éloignées ces derniers jours, la bagarre pour la troisième ne cessera qu'une fois la ligne d'arrivée à Brest coupée.
Mieux vaut en rire...
En queue de peloton, c'est une course contre soi-même qui s'organise quand les deux derniers n'ont toujours pas dépassé le Cap Finisterre. A vitesse très réduite, les Espagnols de 1876 ont une trajectoire étonnante et leur silence n'aide pas à la compréhension. Ne souffrant manifestement pas de souci technique majeur, les hommes de Guillermo Altadill sont vraisemblablement en proie à la pétole. Même traitement de choc pour DCNS et un Marc Thiercelin pour qui l'humour est visiblement la meilleure défense. Malgré la difficulté à vivre cette situation et l'enchaînement des mauvais tours météorologiques, le skipper trouvait ce midi les mots justes et comparait son tour de l'Europe sans vent à un Paris-Roubaix sans pneus. Pas simple en effet ! Une mauvaise nouvelle n'arrivant jamais seule, c'est avec un vent de face flirtant avec le néant côté force que devrait se faire leur remontée le long du Portugal et le Golfe de Gascogne. Quand ça ne veut pas...
Ils ont dit...
Michel Desjoyeaux – Foncia
« Nous avons eu quelques petites molles au passage du cap Finisterre cette nuit, mais le vent est revenu un peu plus soutenu, on avance un peu plus vite et ça commence un peu à mouiller sur le pont. Nous avons entre 15 et 17 nœuds. La mer est à peu près calme avec des petites vaguelettes et une houle résiduelle d'ouest qui nous autorise quelques petits surfs. Sur le plan de la météo, une petite complication a pointé le bout de son nez cette nuit : il y a un front qui descend sur l'anticyclone. Cela change un peu la donne pour les options. En dépit d'un petit coup de mou cette nuit, nous devrions arriver assez rapidement sur la porte de Bretagne. Le temps se dégage. Hier, nous avons eu un peu toutes les conditions en une journée : on s'entraîne à revenir chez nous. »
Jean-Luc Nélias – Veolia Environnement
« On s'achemine doucement vers L'hiver. Il pleut, on est sous le crachin, la grisaille, dans la boucaille avec le soleil qui perce de temps en temps. Nous sommes dans le golfe de Gascogne et on vient de croiser un catamaran de plaisanciers qui traquaient du thon, des cargos, des ferries. On rentre doucement vers la Bretagne et le peu de vent qui nous attend là-haut. Le temps est très variable avec beaucoup de rotations. Du coup, on manœuvre beaucoup. Nous avons peut-être eu dans cette instabilité des conditions un peu plus favorables que Foncia. Le golfe de Gascogne n'est jamais simple, d'autant plus qu'il y a système météo, un front froid qui sème un peu la zizanie sur la route. Les fichiers divergent, cela ne va pas être facile. C'est sûr qu'il va se passer des choses. Le parcours un peu rallongé va nous faire traverser une dorsale en Manche avec de forts coefficients de marées de l'ordre de 106. »
Kito de Pavant – Groupe Bel
« Il fait gris et humide, même si on voit qu'au large ça s'améliore un peu. Nous sommes juste devant Paprec-Virbac 2, à 400 mètres. Nous progressons dans très peu de vent au large du cap Finisterre, les deux de devant se sont barrés, on est un peu restés collés par là. Le Golfe s'annonce très compliqué avec des petites bulles qui se promènent par-ci, par-là. Les fichiers ne sont pas très performants et cela risque de se passer au petit bonheur la chance. On espère recoller sur les autres devant, mais rien n'est moins sûr. Toutes les conditions sont réunies pour que cela parte par devant, comme cela se passe depuis Almeria sur la côte sud de l'Espagne. Nous avons raté quelques bons coups, c'est assez lié à nos soucis techniques. Mais, on va voir... Le bateau marche bien, on le démontre à Jean-Pierre Dick dès qu'on se croise. On a surtout des difficultés la nuit, on marche alors en dessous des performances potentielles. On regrette ces petits problèmes, mais on fera avec. On marche à 7 nœuds dans 5-6 nœuds de vent pas plus. On essaye de se dégager de la côte espagnole, on a croisé beaucoup de dauphins et d'oiseaux... »
Jean-Pierre Dick – Paprec Virbac 2
« On est devant la côte du Finisterre que les Espagnols appellent la côte de la mort. J'espère que cela ne sera pas ça pour nous ! Nous sommes dans la pétole, avec des zones sans vent du tout. C'est assez angoissant d'ailleurs : il faut absolument qu'on arrive à passer avec nos amis de Groupe Bel. Si par malheur, on restait bloqué, les premiers prendraient une avance considérable. Avec Groupe Bel, on ne s'est pas quittés depuis le cap Saint-Vincent. Il parait que sur les grandes étapes, la Vache qui Rit rigole moins. En fait elle a besoin d'avoir un vétérinaire à proximité avec son kit de médicaments pour un ‘' daily check up'' ! (rires) Plus sérieusement, d'un bateau à l'autre, on essaye de se motiver pour prendre le dessus sur l'autre. Groupe bel vient de bénéficier d'une risée, il est à 400 mètres devant nous. On voit bien ses voiles, les mouvements de l'équipage à bord. Sur le golfe de Gascogne, il nous faut rester super vigilants pour ne pas se faire distancer. Oui, la situation est très tordue, avec des grandes options qui peuvent se dessiner. Tout va dépendre de comment vont circuler la dorsale et le front. En tout cas, ce ne sera pas super venté et les nerfs risquent d'être mis à rude épreuve. Ah, voilà un peu d'air, on décolle légèrement. On voit le cap Finisterre qui commence à s'éloigner tout doucement... »
Marc Thiercelin – DCNS
« On vient de recevoir les fichiers météo, nous allons remonter les côtes du Portugal et le golfe de Gascogne sans vent du tout. Là, nous avons 4 nœuds dans le nez. Après le départ de Barcelone qui a été plutôt sympa et depuis Alicante, nous avons accumulé toutes les pires conditions pour un monocoque. On réfléchit beaucoup sur les déroulés des étapes et nous avons déjà prévu un petit chantier à notre retour. Il ne faut pas perdre de vue que DCNS est un très jeune bateau et qu'il débute une année de mise au point. Il faut composer avec le temps et il faut passer par des épreuves dans l'adversité comme cette course. Mais c'est vrai que traverser la Méditerranée avec un bateau qui n'est pas adapté au petit temps, c'est un peu comme faire Paris-Roubaix sans les pneus, ça fait mal aux fesses ! Plus sérieusement, si pour moi qui suis skipper et chef de projet, cette situation est un peu dure à vivre, cela reste une super expérience en termes d'expérience et de transmission pour Christopher Pratt. Pour autant si au départ d'Istanbul, je savais que ce ne serait pas facile, j'étais loin d'imaginer que toutes les portes météo se refermeraient sur nous de la sorte. On travaille beaucoup dans l'optique de la transat Jacques Vabre. Je sais déjà qu'avec Christopher nous n'avons pas du tout entamé notre capital chance, c'est le moins que l'on puisse dire et c'est déjà ça ! »